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En décembre 2019, Christophe Adam disparaissait subitement. Clinicien au regard vif et éclairé, professeur hors-pair de criminologie clinique à l’ULB et l’UCL, DJ à ses heures perdues, les multiples casquettes qu’il collectionnait se conjuguaient en une unique silhouette : celle d’un éveilleur d’idées qui défendait une approche interdisciplinaire de la complexité humaine. Dès lors, quelle image plus emblématique que l’ornithorynque – image qu’il affectionnait – peut permettre de rendre hommage à une figure plurielle, dont l’œuvre éparse reste malheureusement inachevée mais suffisamment prolifique pour permettre de renouveler les catégories de la pensée clinique telle qu’elle se pratique sur le terrain. L’ornithorynque, c’est cet animal étrange qui défie toutes les classifications taxinomiques des naturalistes. Il se révèle, pour Christophe Adam, paradigmatique des humains, à la fois singuliers et pluriels, inclassables et irréductibles, et pourtant animés par une « commune humanité », une connaturalité. Si le langage clinique ne suffit pas, seul, à rendre compte de cette complexité, l’objet de ce colloque est de conjuguer les différents jeux de langage des sciences humaines et sociales afin d’instaurer une dialectique féconde permettant de revisiter les frontières poreuses entre le normal et le pathologique.

 

La nécessité de revivifier un tel dialogue interdisciplinaire est d’autant plus actuelle que l’on assiste au retour en force, dans les champs psychopathologiques et criminologiques, d’un paradigme « néo-positiviste » qui vise à épuiser l’épaisseur du réel et réduire l’ineffable ornithorynque humain à des relations mécaniques, bien souvent sous le seul prisme biologique. Au-delà d’une critique déjà foisonnante sur les risques de chosification, de morcellement et d’étiquetage de l’individu que véhiculent les principaux instruments de classification des troubles mentaux et autres grilles actuarielles, ce colloque international a notamment pour objectif d’interroger les attitudes des praticien·nes face à ces instruments et l’utilisation qu’ils en font, entre logiques gestionnaires et exigences cliniques. Si le recours à des outils permettant de mieux appréhender la complexité psychique est indispensable, il convient également de se demander comment renouer avec une démarche clinique soucieuse d’intégrer pleinement la dimension intersubjective de la rencontre plutôt que se réfugier derrière l’apparente objectivité de la mesure ? En ce sens, la phénoménologie clinique, parce qu’elle vise à réintroduire la question du sens que prend le trouble chez celui qui le vit, dans une co-naissance, constitue une piste particulièrement heuristique qu’il conviendra d’explorer.

 

Si l’humain ressemble tant à un ornithorynque, c’est parce son existence est coexistence d’identités multiples et parfois antinomiques qui l’unissent, par incarnation, à autrui et au monde. Ainsi est-il sujet social, sujet existentiel, sujet réflexif, sujet acteur, sujet inconscient. Une véritable psychopathologie ne peut dès lors faire l’impasse sur une réflexion anthropologique permettant de resituer l’humain dans son lien « tégumentaire » avec son milieu et ses semblables. Une telle réflexion invite à problématiser le sens et la fonction que revêtent le normal et le pathologique dans nos sociétés contemporaines. Au-delà d’une psychologie des failles reconstruisant le sujet dans ses manques et dysfonctions, il s’agirait alors d’interroger ce que la déviance traduit comme potentialité d’adaptation à un environnement semblant à maints égards pathogène, voir criminogène. En outre, cette anthropologie socio-clinique ne peut se réaliser sans inclure la richesse des travaux éthologiques. Ceux-ci permettent de concevoir l’homme comme un animal, pas moins social, mais animé par son enracinement phylogénétique et une normativité subjective qui le pousse sans cesse à rechercher, en situation, un nouvel équilibre avec son milieu. Aussi, cette incursion dans l’éthos permettra-t-elle de nourrir une éthique de la rencontre clinique (et inversement).

 

Enfin, face à cet animal capable de dépasser la mesure et défier toute velléité de mise en système de son existence, il est sans doute aussi raisonnable de s’autoriser à poser les jalons d’une clinique de l’excès. Il s’agirait alors de sortir des représentations sociales et de la normativité statistique pour tenter de saisir les qualités du débordement dans le monde propre de celui qui les vit. Qui plus est, dans le langage de l’excès et de sa syntaxe temporelle, la crise apparait comme un paradigme central, à la fois moment de rupture mais aussi celui de toutes les potentialités, dont les déclinaisons sont corporelles, psychiques et sociales. De l’excès à la crise, de la crise à la créativité, comment penser une clinique de l’urgence soucieuse d’intégrer la dynamique propre à toutes ces dimensions qui font de L’humain cet ornithorynque ?

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L'équipe

Nicolas BARRE (SSM Dinant/Ciney), Laurent CHABERT (ULB), Grégory CORMANN (ULiège), Dominique DE FRAENE (ULB), Marie-Sophie DEVRESSE (UCLouvain), Jean-Louis DUVIVIER (SSM Dinant), Jérôme ENGLEBERT (ULB/UCLouvain),

Johan KALONJI (UCLouvain), Julien LAGNEAUX (UPPL), Antoine MASSON (UCLouvain), Emmanuelle MÉLAN (UCLouvain),

Julie PATESSON (UCLouvain), Thomas ROCHET (ULB)

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